vendredi 20 mai 2016

Vu(e) du ciel

J'ai écrit cet article à la place 32F d'un vol Paris-Séville, frénétiquement, sur mon petit carnet. Je l'ai écrit comme dans un songe, dans cet état léthargique dans lequel me plonge chaque voyage en avion, et à peine perturbée par mon voisin de cabine qui - je l'ai pris sur le fait - commençait à lorgner sur ce que j'écrivais. 
J'ai à peine modifié ces petites pensées pour vous les livrer aujourd'hui, tant pis si elles sont sans ordre, ni queue, ni tête, je voulais simplement garder trace de ce voyage aérien, et retranscrire au mieux ses sensations. J'espère qu'elles vous embarqueront un petit peu avec moi et vous rappelleront, qui sait, vos propres impressions quand vous prenez l'avion. 

J'avais prévu de publier cet article aujourd'hui, et puis, rattrapée par l'actualité, j'ai hésité, hésité à mettre en avant comme cet avion m'a bercée sur ce vol Paris-Séville, alors qu'un autre vient de disparaître pour des raisons encore obscures. Et puis j'ai décidé de maintenir sa publication, comme j'ai décidé de continuer à voyager, à rêver et à vivre.


Vu du ciel, le Soleil fait briller la toiture des véhicules en une myriade de petits diamants rangés bataille, et je découvre la beauté des parkings. C'est l'heure de pointe, qui se pointe, et les embouteillages semblent se désembouteiller sans encombre dans un grand ballet d'automobiles version film muet. 

Vues du ciel, les parcelles des champs de colza se détachent en patchwork de formes géométriques qu'on serait bien loin de soupçonner au sol, eux qu'on pense toujours tous plus ou moins rectangulaires, et je me demande quel peintre peut coordonner aussi bien ces harmonies de couleur.

Je surprends les nuages à jouer aux ombres chinoises avec la Terre, ce n'est pas tous les jours que je peux observer ce qu'ils font derrière leur dos.

Ces nuages qu'on traverse, tout de suite après, collision frontale qui ne fait aucun bruit, aucun choc. Je les croise, lancés à toute vitesse, avant de les laisser, quelques étages plus bas, suspendus et apaisés.

Je finis par ne plus distinguer le ciel et la Terre, immergée dans un tout grand océan de bleus.

Là, quelque part dans le ciel, en longeant la côte Atlantique, on fait la course avec un autre avion. Il se déplace, petit trait de plume, petite droite parallèle à la nôtre. Il semble tout près, il semble infiniment loin, et mes yeux finissent par se fatiguer à tenter de le repérer, puis perdent sa trace.

En bas, les routes se déballent comme autant de rubans le matin de Noël, souples et bouclées. Viennent les routes des montagnes des Pyrénées, ces lacets de chaussures, des étincelles, des électrocardiogrammes, du joli rififi.

Quelques sommets, parmi les plus élevés, sont encore enneigés de celles qu'on dit éternelles.

A mesure que je me rapproche de Séville, je commence à distinguer, ça et là, épars et partout à la fois, ces haricots bleus, des piscines que je m'amuse à compter comme on jouait à comptabiliser les voitures rouges quand on roulait vers les vacances, enfants, et que la route se faisait longue.

Vue du ciel, que la planète semble belle, verte, et bleue, et de toutes les couleurs du monde. Sans heurts. Tout à coup c'est elle qui me protège, m'enveloppe de toute sa ouate et de sa douceur, tandis qu'elle me fait cadeau de son silence.
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7 commentaires:

  1. Merci Marion pour ce jolie texte qui retranscrit si bien les sensations des paysages vue d'avion...

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  2. très bien écrit ; très joli !

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  3. C'est bien de l'avoir publié "quand même".
    Et il ne faut pas trop en vouloir à ceux qui lorgnent quand on écrit : ça attire le regard au point d'en être, je pense, fascinant. Et de toute façon je ne pense pas que ce soit lisible ainsi.

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  4. Superbe !! :) On se laisse transporter...
    Il faut continuer à écrire ;), il y a du style !

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